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  • Juridique
10
2019
La rupture brutale d’une relation commerciale établie
Le champ d’application de la réglementation
La notion de relation commerciale établie vise un grand nombre d’acteurs économiques et concerne de nombreuses situations.

Le contentieux de la rupture de relation commerciale établie est très abondant. En effet, le champ d’application de l’article du Code de commerce (art. L. 442-6-I, 5e ) qui pose la règle applicable en la matière est très large, tant au niveau des personnes concernées que de la notion de relation commerciale établie.

Les personnes concernées

L’auteur de la rupture peut être un producteur, un industriel, un commerçant ou un artisan. Ne sont pas visées, en revanche, les personnes morales relevant du droit civil ou du droit public et donc, notamment, les sociétés civiles immobilières (SCI), les sociétés civiles professionnelles (SCP), les associations, les collectivités territoriales ou encore les personnes physiques n’exerçant pas une profession commerciale ou artisanale, tels que, par exemple, les professionnels libéraux.

À noter : ces catégories de personnes peuvent tout de même voir leur responsabilité engagée au titre d’une rupture brutale de relation dont elles seraient les auteurs. Simplement, cette responsabilité ne sera pas assise sur le dispositif spécifique de l’article L. 442-6-I, 5° du Code de commerce, mais sur le droit commun de la responsabilité civile (contractuelle ou extracontractuelle selon les cas).

Quant au champ des victimes susceptibles d’être concernées, il est encore plus large, les tribunaux considérant que le statut juridique de la victime de la rupture brutale est, en principe, indifférent.

Ainsi, une association, une SCI ou un professionnel libéral peuvent, en invoquant les dispositions de l’article L. 442-6-I, 5e, solliciter la réparation du préjudice que lui cause la rupture brutale d’une relation commerciale établie. La Cour de cassation a eu l’occasion cependant de préciser que le dispositif de l’article L. 442-6-I, 5e du Code de commerce ne pouvait être invoqué par les agents commerciaux dès lors que cette catégorie professionnelle bénéficiait d’un cadre légal spécifique.

La victime peut aussi être une victime par ricochet : par exemple, un sous-traitant touché par la rupture brutale des relations commerciales subie par son donneur d’ordre.

La notion de relation commerciale établie

Sont concernées toutes les relations commerciales, qu’elles portent sur la fourniture d’un produit ou d’une prestation de services. Peu importe la forme de cette relation et notamment qu’elle repose ou non sur un contrat. La notion de relation commerciale dépasse en effet celle de relation contractuelle. Un simple courant d’affaires non formalisé peut donc constituer une relation commerciale établie. A fortiori, l’existence d’une relation commerciale établie peut résulter d’une succession, sur plusieurs années, de contrats à durée déterminée (même de courte durée) ou d’un enchaînement, entre deux mêmes partenaires, de contrats de nature juridique différente avec des conditions différentes.

Sachant que pour être qualifiée de relation commerciale établie, la relation doit être régulière, significative et stable. Il faut que la continuité des relations d’affaires précédemment entretenues ait pu raisonnablement autoriser la victime de la rupture à considérer que ces relations allaient se poursuivre avec la même stabilité dans le futur.

Si la relation doit être significative, il n’est pas exigé, en revanche, qu’elle se caractérise par un important volume d’affaires.

Précisions : le fait que la relation commerciale entre les parties soit assujettie à une négociation annuelle selon le cadre imposé par le Code de commerce (relation entre fournisseur et distributeur ou prestataire de services) n’est pas, selon la commission des pratiques commerciales et les tribunaux, incompatible avec la notion de relation commerciale établie. En revanche, il a été jugé qu’il ne peut y avoir de relation commerciale établie lorsque chaque nouveau contrat est systématiquement précédé d’un appel d’offres : cette mise en compétition privant la relation commerciale de toute stabilité.

Le caractère brutal de la rupture
L’action en responsabilité fondée sur l’article L. 442-6-I, 5e du Code de commerce peut être déclenchée seulement en cas de rupture brutale d’une relation commerciale.
Une rupture de la relation commerciale

La rupture de la relation commerciale peut bien sûr résulter de la résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée ou déterminée mais aussi du non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée arrivé à son terme si, du moins, le renouvellement était envisageable. Tel n’est pas le cas lorsque le contrat excluait toute reconduction.

La rupture peut également se déduire de la modification par l’un des partenaires des conditions de la relation commerciale, si toutefois cette modification est substantielle. Tel est le cas par exemple :
- d’une diminution significative de la marge accordée jusque-là à un grossiste ;
- de l’augmentation par un fournisseur de ses tarifs et de ses conditions de règlement ;
- d’une baisse significative du volume des commandes.

La rupture peut être totale ou partielle. Constitue, par exemple, une rupture partielle des relations commerciales le déréférencement par un distributeur de certains des produits dont il s’approvisionnait auprès d’un fournisseur ou encore une baisse significative du volume de commandes ou du chiffre d’affaires.

Une rupture brutale

La rupture est qualifiée de brutale lorsqu’elle n’est précédée d’aucun préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale.

L’article L. 442-6-I, 5e du Code de commerce n’impose aucun formalisme particulier pour le préavis. Notamment, il n’est pas exigé que le préavis soit notifié par un courrier recommandé avec demande d’avis de réception. Il suffit qu’il y ait un écrit qui peut être un simple fax ou un e-mail.

Il n’est pas non plus exigé un écrit notifiant spécifiquement le préavis. Ainsi, par exemple, les tribunaux ont pu considérer que l’annonce de nouveaux tarifs ou de conditions de vente substantiellement modifiées, l’émission d’un appel d’offres ou encore l’annonce de la création d’une filiale ayant pour activité celle du partenaire valait notification du préavis.

Quant à la durée de préavis, elle doit tenir compte de la durée de la relation commerciale.

Important : le cas échéant, cette durée doit également respecter la durée minimale de préavis déterminée en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ou, à défaut, par des arrêtés ministériels. À ce jour, il n’existe pas d’arrêté ministériel en la matière et on recense peu d’accords interprofessionnels. Par ailleurs, lorsque la relation porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur (MDD), la durée minimale de préavis est deux fois plus longue que celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous la marque de distributeur. Et lorsque la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est celle résultant du cas général lorsque la durée du préavis initial est de moins de 6 mois, et d’au moins un an dans les autres cas.

En pratique, la juste durée du préavis est appréciée au cas par cas par le juge. L’article L. 442-6-I, 5e du Code de commerce ne pose qu’un seul critère d’appréciation du caractère raisonnable du préavis : celui de l’ancienneté de la relation. Cependant, en pratique, les tribunaux ont également tendance à tenir compte de la nature de la relation commerciale.

Notamment, un rapport de dépendance économique entre les partenaires ou une obligation d’exclusivité peuvent justifier un préavis plus long. Ceci explique qu’en la matière, il soit difficile de dégager des solutions générales. Ainsi, par exemple, pour une relation commerciale de 13 ans, certains juges ont pu considérer que 2 ans étaient suffisants alors que d’autres ont estimé suffisant un délai de préavis de 10 mois.

Attention : le préavis prévu dans le contrat peut être jugé insuffisant. Par exemple, dans le cas de la reconduction d’année en année d’un contrat prévoyant un délai de préavis d’un mois, la partie souhaitant ne plus renouveler le contrat ne devra pas se contenter de respecter ce préavis contractuel. Elle veillera à accorder à son cocontractant un préavis tenant compte de la durée globale de la relation commerciale, constituée de tous les contrats successifs.

Dans deux récentes décisions, la Cour de cassation a apporté d’importantes précisions s’agissant de la détermination du juste délai de préavis dans deux hypothèses particulières :
- celle de la rupture de relation intervenue après l’acquisition d’un fonds de commerce ;
- celle de relations commerciales avec plusieurs sociétés appartenant à un même groupe.

La première hypothèse est la suivante : l’acquéreur d’un fonds de commerce poursuit une relation commerciale initiée par le précédent propriétaire du fonds, puis décide de la rompre.

Dans ce cas, la question se pose de savoir si la durée du préavis à respecter doit tenir compte de la période antérieure au rachat du fonds. Auparavant, les tribunaux répondaient à cette question par l’affirmative. Mais dans un arrêt du 15 septembre 2015, la Cour de cassation a opéré un revirement. Pour elle, la durée du préavis doit tenir compte uniquement de la relation ayant uni l’acquéreur du fonds au partenaire, à l’exclusion de la durée de la relation entre ce partenaire et le précédent propriétaire du fonds.

Dans la seconde hypothèse, la Cour de cassation, dans un récent arrêt du 31 mars 2015, a précisé que la durée de préavis à respecter pour rompre une relation avec l’une des sociétés du groupe s’apprécie uniquement en considération de la durée de cette relation particulière et non par référence à la durée des autres relations.

Dans tous les cas, durant le préavis, la relation commerciale doit, sauf circonstances particulières, se poursuivre aux conditions antérieures. Ainsi, par exemple, si la partie subissant la rupture bénéficiait d’une exclusivité territoriale, l’auteur de la rupture devrait respecter cette exclusivité pendant toute la durée du préavis.

L’indemnisation du préjudice causé par la rupture brutale
Le préjudice indemnisable est avant tout celui de la marge qui n’a pas pu être réalisée par la victime de la rupture pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé.

L’auteur d’une rupture brutale d’une relation commerciale établie doit réparer le préjudice causé par la rupture brutale.

Important : par exception à la règle posée par l’article L. 442-6, I, 5e du Code de commerce, la rupture brutale n’engage pas la responsabilité de son auteur si elle se justifie par la faute grave de celui qui subit la rupture ou par un cas de force majeure. A même été jugée non fautive la rupture brutale imputable à une situation de grave crise économique (ne serait-ce que du marché concerné par la relation commerciale).

Ce préjudice est d’abord celui de la marge qui n’a pas pu être réalisée sur la durée du préavis qui n’a pas été accordé. C’est la marge brute qui est le plus souvent retenue mais une indemnisation sur la base de la marge nette a parfois été accordée. En revanche, l’indemnité demandée ne peut correspondre à la perte de chiffre d’affaires.

Il incombe à la victime de la rupture de justifier du montant des dommages et intérêts qu’elle réclame.

En pratique, le chiffrage du préjudice est souvent confié – et cela est d’ailleurs recommandé – à un cabinet d’expertise comptable qui est, dans ce cadre, chargé d’établir un rapport permettant de justifier du montant des dommages et intérêts réclamés.

Pour assurer toutes les chances de succès à l’action engagée par la victime de la rupture brutale, ce rapport devra précisément définir les éléments retenus pour calculer la perte de marge brute (ou de marge nette) ; le taux de marge retenu et, si la rupture n’affecte qu’une partie des activités de la victime de la rupture, le pourcentage de marge à prendre en compte.

Outre la perte de marge, la victime de la rupture brutale peut également solliciter des dommages et intérêts pour :
- le préjudice moral ou la perte d’image causés par la brutalité de la rupture ;
- les charges de restructuration – et en particulier le coût des licenciements – générées par la brutalité de la rupture.

Et attention, pour être indemnisable, le préjudice doit être causé par la brutalité de la rupture et non juste par la rupture elle-même. Ainsi, notamment, pour être indemnisée du coût des licenciements économiques qu’elle a dû engager, la victime de la rupture ne peut se contenter de dire que ces licenciements sont la conséquence de la rupture de la relation commerciale ; elle doit démontrer en quoi ceux-ci sont dus au caractère brutal de la rupture.

À savoir : le niveau d’indemnisation de la partie ayant subi la rupture peut être amoindri s’il apparaît que celle-ci a contribué à son préjudice. Ce peut être le cas si, en ne cherchant pas à diversifier sa clientèle, alors qu’elle n’était liée par aucune obligation d’exclusivité, la victime de la rupture s’est placée dans une situation de dépendance économique vis-à-vis de l’auteur de la rupture.

Outre les sanctions sollicitées par la victime de la rupture, l’auteur de la rupture peut également se voir condamner notamment à une amende civile, à la demande du ministère de l’Économie ou du ministère public.

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En outre, lorsqu’ils sont donnés à bail à long terme à un exploitant, ces biens sont exonérés d’IFI à hauteur des trois quarts de leur valeur jusqu’à 101 897 € et à hauteur de la moitié au-delà de 101 897 €. Mieux, l’exonération est totale, quelle soit la valeur des biens, lorsqu’ils sont donnés à bail à long terme à un membre (proche) de la famille du propriétaire qui les utilise pour son activité principale.

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